Approche fiabiliste et mécanique du comportement des poids lourds
et de leur sécurité

 

Yamine SELLAMI

 

IRCCyN de l’Université de Nantes & LCPC (Laboratoire Central des Ponts et Chaussées)

Adresse : LCPC-DESE, 58 Boulevard Lefèbvre, 75732, Paris Cedex 15

Tel. 01 4043 6508, Fax. 01 4043 5499, E-mail. sellami@lcpc.fr

 

 

Résumé de thèse

Les études sur la sécurité routière montrent que les accidents relatifs aux poids lourds (PL) sont plus graves que ceux impliquant des véhicules légers. Même s’ils constituent seulement 3% des véhicules en circulation, les PL sont impliqués dans 10% des accidents mortels. De plus, le taux de mortalité est deux fois supérieur lors d’un accident impliquant un poids lourd. Dans cette thèse, nous nous intéressons principalement au cas du renversement, qui est parmi les accidents les plus fréquents (20%), et qui peut causer des dégâts significatifs au véhicule, au conducteur et aux passagers de la route.

Dans ce contexte, plusieurs systèmes de prévention de renversement ont été développés pour assister ou alerter le conducteur. Cependant, la plupart d’entre eux sont basés sur des données déterministes où une marge de sécurité est introduite pour compenser la perte d’information au niveau de l’évaluation. Néanmoins, cette marge est généralement définie par des tests pratiques ou par des valeurs limites bornant les données incertaines. Ceci conduit dans certaines situations à une mauvaise évaluation du risque. D’autre part, si le comportement dynamique du poids lourd et les paramètres de l’infrastructure étaient parfaitement connus, il serait possible d’accepter une conduite en limite de sécurité. Par contre, si cette connaissance n’est pas parfaite, et si on maintient la même situation de conduite, le risque d’accident sera plus élevé et le conducteur devra réduire ce risque par divers procédés (réduction de vitesse par exemple). De ce fait, il est important de prendre en compte les incertitudes les plus pertinentes dans l’évaluation du risque.

L’objet de la thèse concerne l’utilisation de la théorie de fiabilité pour la prévention du risque de renversement des poids lourds. L’évaluation du risque est basée sur les informations statistiques relatives au système conducteur/poids lourd/infrastructure.

Par ailleurs, le problème auquel nous nous intéressons fait intervenir la dynamique du poids lourd et de ses interactions avec l’infrastructure. Le temps intervient alors de façon explicite dans des équations différentielles de nature stochastique. On se trouve donc confronté à un problème de dynamique aléatoire, avec des processus stochastiques qui régissent l’état du poids lourd. La prédiction du risque de renversement pose donc des problèmes de franchissements de niveaux de tels processus.

Afin de simplifier le problème, nous proposons une approche où la dynamique du système est donnée par un modèle déterministe que l’on rend aléatoire. La démarche consiste à modéliser les paramètres les plus influents du modèle déterministe par des variables aléatoires. De plus, une quantité aléatoire, ne faisant plus intervenir explicitement le temps, caractérise le risque sur tout l’intervalle de prédiction. En d’autres termes, nous traitons le problème en nous ramenant à des variables aléatoires en lieu et place de processus stochastiques. Les états du véhicule sont obtenus par la résolution d’équations différentielles ordinaires. Ceci permet d’utiliser les méthodes de fiabilité statique, qui sont utilisées dans plusieurs domaines telle que la fiabilité des structures. Dans cette étude, sur l’intervalle de prédiction, le risque de renversement est évalué par le maximum du rapport de transfert de charge (LTR) entre les côtés gauche et droit du véhicule.

Cependant, le calcul de la fiabilité devient d’autant plus complexe que le nombre de variables aléatoires augmente. Une étude de sensibilité est réalisée afin d’extraire les paramètres les plus influents sur le risque de renversement. Ces paramètres sont par la suite modélisés à l’aide de lois de probabilité. Puis, une méthode de fiabilité est développée pour estimer la probabilité que le LTR dépasse un seuil critique, et calculer un indice de fiabilité qui sera le nouvel indicateur du risque.

Les scénarios considérés dans cette thèse correspondent à des passages dans des virages et des sens giratoires dans lesquels le risque est élevé. Pour cela, nous considérons deux dispositifs d’alerte successifs, le premier, s’active avant la mise en virage, où les conditions initiales ne sont définies que par la vitesse du véhicule, et le second, pendant l’évolution dynamique du véhicule, où une prédiction à court terme est traitée. Pour le premier type d’évaluation, l’état limite dépend du résultat de la résolution du modèle dynamique du poids lourd sur toute la longueur du virage ou sur toute la traversée du sens giratoire. Pour le second type, un indice de fiabilité est calculé à chaque instant à travers une expression explicite de l’état limite. Pour cela, un estimateur par filtrage de Kalman dédié aux systèmes non linéaires (Unscented Kalman Filter) est développé afin d’estimer les variables dynamiques et identifier les paramètres non accessibles à la mesure. Un estimateur récursif par filtrage de Kalman est utilisé pour prédire l’indice de fiabilité. Nous traitons ainsi la mise en oeuvre de la méthode fiabiliste en temps réel.

Afin d’optimiser le temps de calcul, nous avons développé un modèle empirique du risque de renversement à partir de tests réalisés sur un modèle plus complet du véhicule et plus représentatif du risque. Le modèle empirique fournit, soit une fonction explicite de l’état limite en fonction des paramètres influents sur le risque, soit une expression de l’indice de fiabilité en fonction des paramètres des lois de distribution des variables aléatoires. Dans les deux cas, les paramètres déterministes susceptibles de varier entre deux situations de conduites différentes sont aussi considérés comme entrées du modèle.

La conception du modèle empirique fait appel aux méthodes de classification par des machines à vecteurs supports (SVM). Un plan d’expérience est développé pour réduire la base de tests et rendre récursive la conception du modèle.

Pour chacun des cas étudiés décrits ci-dessus, les résultats obtenus sont comparés et validés avec des simulations de Monte Carlo, et des tirages d’importance.